Fidéliser les Collaborateurs : Défis et Perspectives

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Il est dans l’ADN de CEPI Management de créer des ponts et des passerelles entre dirigeants pour que ces derniers puissent échanger, débattre et confronter leurs méthodes et leurs idées. Un impératif pour former et accompagner les dirigeants au plus près de leurs préoccupations et se situer au cœur des enjeux contemporains du monde de l’entreprise. C’est dans cette optique que CEPI Management, accompagné de Boost Us, tient chaque trimestre un sharing lunch au Manoir de Marcq. Un moment d’échanges, de convivialité et de partage entre dirigeants issus de secteurs pluriels et d’horizons multiples. Pour ce dernier déjeuner de l’année 2022, Alain Colin, Olivier Hermand, Barbara Delesalle, Grégory-Xavier Allard et Raphaël Robil ont ainsi pu dialoguer sur les enjeux ô combien stratégiques liés à la fidélisation des collaborateurs.

Big quit, quiet quitting, grande flemme… Ces termes font les gros titres de la presse depuis plusieurs mois et donnent des sueurs froides à certaines entreprises et quelques secteurs d’activité en tension. Au sortir d’une période pandémique qui a invité plus d’un salarié à se questionner sur ses envies professionnelles et personnelles, l’heure serait, chez les collaborateurs, à l’errement, au désengagement, voire à la « grande démission ». Qu’en est-il vraiment pour les dirigeants dans leur quotidien ? Que ressentent-ils concrètement sur le terrain ?

Issus de secteurs d’activités variés et de tailles diverses, les entreprises représentées par les dirigeants attablés à ce déjeuner manifestent d’emblée une conscience aigüe de la nouvelle donne liée à la fidélisation des collaborateurs et à la problématique de recrutement qui la précède. « La difficulté de recrutement est réelle. Attirer de nouveaux collaborateurs n’est pas simple. Et c’est une problématique qui concerne aujourd’hui tous les échelons de l’entreprise. Nous vivons une nouvelle donne qui nous oblige à nous réinventer. Et il n’y a pas de retour en arrière possible : le monde d’avant n’existe plus ! », résume avec conviction Alain Colin, directeur général de Monabanq. Dans un registre analogue, Grégory-Xavier Allard pointe lui les aléas souvent chronophages des processus de recrutement désormais à l’œuvre. « La difficulté actuellement n’est pas tant de trouver que le temps que l’on met à trouver, même à des postes qui ne nécessitent pas ou peu de qualifications », souligne le dirigeant de Trenois Decamps.


Une fois les équipes au complet et les postes enfin pourvus, l’enjeu est alors de construire et d’entretenir une cohésion de groupe durable et mesurable. « Maintenir les collaborateurs dans une dynamique pérenne est difficile aujourd’hui », reconnaît Olivier Hermand, président de Leroux, à l’heure où l’attachement et la fidélité à une entreprise apparaissent clairement moins marqués qu’au siècle dernier. Un constat que partage également Barbara Delesalle, directrice des ressources humaines de Tape-à-l’œil : « Il n’est pas simple d’entraîner tout le monde dans les problématiques que peut connaître la société et de finalement trouver des solutions qui puissent rassembler ».

L’une des préoccupations centrales désormais est la juste conciliation entre l’univers personnel et la sphère professionnelle


Unanimes pour pointer la tension quant aux enjeux de recrutement et de fidélisation, les dirigeants réunis en cette fin d’année 2022 s’accordent également sur le fait que la survenue du Covid a bouleversé nos habitudes et notre pensée collective relative à l’entreprise. Quels que soient leur secteur d’activité et la taille de leur entreprise, nos hôtes se rejoignent sur ce point : la pandémie que nous avons connue a très clairement marqué un tournant dans l’évolution de notre rapport au travail et n’a pas manqué de transformer nos pratiques professionnelles. La conjoncture économique et sociale que nous connaissons se traduit par une nouvelle définition de la valeur travail. Ses conséquences ? Une implication de l’ensemble des collaborateurs moins naturelle qu’auparavant et une frontière particulièrement poreuse et sensible entre le cadre professionnel et son pendant privé. « L’une des préoccupations centrales désormais est la juste conciliation entre l’univers personnel et la sphère professionnelle », analyse Barbara Delesalle, alors que le télétravail est de plus en plus apprécié des salariés, allant même jusqu’à devenir une condition sine qua non à toute signature de contrat. « On assiste à un détachement au travail plus qu’à un désamour de l’entreprise, rassure pour sa part Grégory-Xavier Allard. Je constate aussi parallèlement une prévalence de la vie personnelle au détriment de l’accomplissement professionnel et une certaine déresponsabilisation de l’Homme, qui est sans doute trop souvent dans une posture attentiste et qui doit selon moi rester maître de sa vie et de sa carrière ».

L’apparition du Covid, période exceptionnelle par son ampleur et sa soudaineté, a aussi agi comme un catalyseur et un révélateur de talents et de caractères. « Passée la sidération des premiers jours, le Covid nous a permis de basculer du doute à la collaboration. J’ai personnellement vécu un présentiel exceptionnel avec les collaborateurs présents sur site durant cette période. Des personnalités se sont révélées dans cet épisode de crise. C’est une véritable richesse que nous devons sauvegarder. Les relations sociales sont plus que jamais essentielles depuis les confinements. Il nous faut entretenir la mobilisation au cœur de nos équipes », dépeint et suggère Olivier Hermand. Le Covid constitue ainsi un point de bascule, un accélérateur de tendances, déjà sous-jacentes, mais qui ne s’étaient véritablement révélées avant l’épidémie globale que nous avons vécue. Face à ces enjeux inédits, la fidélisation des collaborateurs passe nécessairement par l’acceptation, la compréhension et le traitement de ces nouveaux impératifs.

Le sens ? Tout le monde y pense, beaucoup le cherchent, certains le trouvent

Autre dérèglement contemporain à appréhender : la manière dont nous exerçons nos tâches professionnelles au quotidien et nos moyens de réaliser nos missions professionnelles. Télétravail, aménagement de poste, souplesse dans le travail… Ces nouveaux ajustements, impensables à appliquer à grande échelle et même inenvisageables il y a quelques années seulement, sont devenus des impératifs à mettre en œuvre et à développer. « Le job sédentaire n’est plus possible, il faut absolument proposer de la souplesse organisationnelle au salarié dans son rythme comme dans son lieu de travail », pointe Raphaël Robil, directeur général de Lemon Interactive. « Avec le télétravail, on doit offrir une plus-value pour le salarié quant au fait de venir au sein de son entreprise », précise Alain Colin.

Au-delà d’une organisation nouvelle du travail faite de flexibilité, d’agilité et d’adaptation, le nouveau paradigme qui gouverne le monde économique et plus largement la société est la quête de sens. Le sens ? Tout le monde y pense, beaucoup le cherchent, certains le trouvent. « La quête de sens est extrêmement présente aujourd’hui. Le collaborateur doit être attaché à sa boîte pour ne pas aller voir ailleurs et l’entreprise doit absolument l’inclure, au risque de voir ses meilleurs éléments, parfois très sollicités, partir sans ménagement », reconnaît Raphaël Robil, dont le secteur du numérique emploie des profils très recherchés et par la même très convoités. « De plus en plus de salariés souhaitent faire des choix et être partie prenante dans le processus de décision, pour donner du sens à leurs missions. C’est une bonne nouvelle. Mais il faut nécessairement responsabiliser les collaborateurs avec tout ce que cela implique en termes de conséquence : cela signifie que chacun doit assumer ses choix », suggère de son côté Barbara Delessalle, qui ne manque pas de vanter les mérites de la symétrie des attentions.

Et pour éclairer cette notion de sens tant convoitée, le chef d’entreprise ne doit pas hésiter à prendre de la hauteur. « Le dirigeant doit influencer ses équipes et proposer des projets inspirants pour ouvrir le champ des possibles », considère Alain Colin.

Le dirigeant est de plus en plus un chef d’orchestre


Face à ces enjeux parfois ambivalents, qui incitent autant à l’humilité qu’à la vigilance accrue, l’entreprise est invitée à rester aux aguets, et même à se réinventer, au risque de ne plus être en phase avec son époque et avec les attentes de ses clients comme de ses collaborateurs. « Le volet social de l’entreprise est un moteur clé pour les salariés. L’un des questionnements essentiels pour l’entreprise aujourd’hui est justement d’entretenir le sentiment d’appartenance », pointe Olivier Hermand. Créer du lien, encore et toujours, pour ne pas laisser de salariés en chemin et emmener toutes ses équipes vers un objectif commun. « L’heure est à la restauration de la valeur confiance. Il est essentiel de partager et d’investir sur l’humain pour parvenir à ce renouveau », observe Barbara Delesalle, qui a mis en place un manifeste employeur au cœur de son entreprise. « L’entreprise doit être le lieu des rencontres et de la responsabilisation des collaborateurs. Et si l’égalité n’est pas possible compte tenu de la diversité des métiers et des postes, le dirigeant doit veiller à ce qu’il y ait toujours une équité globale », éclaire de son côté Raphaël Robil.

Dans ce contexte aussi exaltant qu’incertain, la vision et l’exemplarité du dirigeant apparaissent essentielles. Pour fidéliser autant que pour attirer. « Le dirigeant est de plus en plus un chef d’orchestre. Il doit être responsable dans tous les sens du terme et se doit de montrer l’exemple. Il doit aussi tout mettre en œuvre pour trouver les personnes qui peuvent et veulent travailler, même celles qui sont le plus éloignées de l’emploi », suggère Olivier Hermand, qui entend œuvrer pour faciliter la réinsertion des personnes qui ont pu connaître une privation de liberté. « On doit développer le même niveau d’exigence pour le collaborateur que pour le client. Se questionner sur ce que nous sommes est primordial et se concentrer sur ce qui fait la réussite de notre entreprise et la force de nos collaborateurs est fondamental » synthétise et conclut Raphaël Robil.

En termes d’engagement, de fidélisation et de recrutement des talents d’aujourd’hui et de demain, qui font et façonnent la vie et le devenir d’une organisation, les dirigeants perçoivent savamment que nous sommes à la croisée des chemins. Ils se savent attendus au tournant et entendent parfaitement qu’il n’est plus tant question de s’interroger sur ce qui pourrait faire partir le collaborateur que de s’attarder sur ce qui pourrait le faire rester. « Pourquoi mes salariés resteraient-ils ? » : sans doute est-ce la question qu’il faut se répéter et sans cesse cultiver.

Le mot de la fin ? Comme le veut la tradition, il revient à nos dirigeants. Et comme pour résumer la teneur de ce rendez-vous chaleureux et souligner l’importance de l’échange et de la cohésion au cœur de leur entreprise, ils se sont majoritairement accordés sur un mot. Un mot qui nous permet non seulement de vivre ensemble mais d’accomplir de grandes choses. Ce mot ? C’est le partage.

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